Entre 1500 et 2400 milliards de tonnes de carbone sont stockés dans les sols. Après avoir été capté par les plantes dans l’atmosphère via la photosynthèse, le carbone est décomposé par les organismes présents dans le sol lorsque les végétaux perdent leurs feuilles ou meurent. L’humus, partie supérieure du sol à forte teneur en matières organiques qui en résulte, peut être composé jusqu’à 50 % de carbone.
Il joue un rôle essentiel à la croissance des végétaux en leur fournissant ce nutriment pour leur croissance.
De manière naturelle les sols ont une fonction de support et d’alimentation pour les plantes. Il en est de même en agriculture à condition que les pratiques aillent dans le sens des fertilités biologiques, chimiques et physiques des sols. Un sol fertile est un sol vivant, capable de fournir aux plantes des nutriments avec une circulation efficace de l’air et de l’eau.
La fertilité agronomique doit donc s’envisager sur le long terme, avec au centre de la réflexion la gestion de la matière organique. Les sols sont au cœur d’enjeux forts liés à l’alimentation : produire quoi et pour qui ?
Près de 12 % de l’eau douce dite de surface (rivières, lac, etc..) est contenue l’humidité des sols. Cette disponibilité de la ressource sert autant au développement des végétaux qu’au maintien de l’activité microbienne. La rétention d’eau est favorisée par une bonne porosité du sol et par la qualité du complexe argilo-humique. Ce sont des leviers majeurs pour la bonne infiltration de l’eau et la de limitation de l’effet splash (lessivage) lors de forte pluie. Enfin, les sols permettent un approvisionnement en eau propre en piégeant les polluants contenus dans l’eau d’infiltration et en les empêchant d’atteindre l’eau souterraine. Le saviez-vous ? la matière organique du sol peut retenir près de 20 fois son poids en eau !
La relation entre la biodiversité du sol et celle de surface est extrêmement forte. On peut citer par exemple les nombreuses interactions qui existent entre les plantes et leur environnement biophysique, telles que des symbioses avec des champignons ou des bactéries du sol. Par ailleurs, la composition du sol et sa qualité jouent un rôle dans le couvert végétal susceptible de se développer, qu’il soit naturel et spontané ou bien guidé par l’homme, et à donc un impact sur le paysage (vignes, bocages, monocultures).
Le climat (ruissellement de l’eau, action du vent, etc.) entraîne la perte d’une partie de la couche supérieure de la croûte terrestre, c’est le phénomène naturel d’érosion. Cette érosion naturelle est considérablement amplifiée par les activités humaines telles que l’artificialisation des sols, la déforestation, les pratiques de travail du sol, les sols laissés nus, des pratiques non durables etc… L’érosion du sol est donc la principale menace pour les sols de notre planète.
L’équivalent d’un terrain de football est érodé toutes les 5 secondes dans le monde!
La durabilité des pratiques agricoles envers les sols dépend du système Sol-Production-Agriculteur-Environnement. Une pratique agricole qui fonctionne dans une situation peut ne pas être adaptée à la situation du voisin. Les pratiques inadaptées sont celles qui peuvent entrainer un phénomène d’érosion, de réduction de la fertilité et de la biodiversité contenues dans les sols et une pollution des sols et des eaux souterraine. Quelques exemples : l’usage de pesticides, la monoculture, un travail du sol inadapté, l’utilisation exclusive d’engrais de synthèse sans autre apport organique (amendement ou couverts végétaux, etc…).
L’artificialisation, conséquence de l’étalement urbain, est vue comme une des causes principales du changement climatique et de la destruction de la biodiversité. En détruisant et en morcelant les habitats, elle diminue les corridors écologiques et les interactions entre les écosystèmes. Aussi, son impact sur les sols est durable puisqu’elle implique le plus souvent une imperméabilisation et un couvert du sol, qui empêchent les interactions sol/air. À un degré plus lointain, la construction (BTP) provoque des décaissements importants et des prélèvements de sol pour la fabrication des matériaux de construction. Cette perturbation du sol est quasi irréversible et la renaturation ne sera que partielle pour des sols précédemment artificialisés.
La pollution des sols fait référence à la concentration de différents types de substances en quantité trop importante. Cela peut-être dû au lessivage des espaces imperméabilisés (hydrocarbures), à l’épandage d’engrais ou de pesticides, ou encore aux rejets lors d’accidents industriels. La concentration des ces polluants dans le sol à un impact important sur le développement des micro-organismes et sur l’ensemble de la faune pédologique. La pollution des sols provoque alors une réaction en chaîne : altération de la biodiversité des sols > réduction de la matière organique du sol et la capacité des sols à agir comme un filtre > contamination de l’eau stockée dans les sols et des eaux souterraines > déséquilibre des éléments nutritifs présents à disposition sous nos pieds. De plus la dégradation des sols touchés impliquera également une diffusion accélérée de ces polluants.
Le phénomène de salinisation des sols, même si il existe naturellement (salinisation primaire), est fortement dû à l’activité de l’homme (salinisation secondaire) et plus particulièrement aux pratiques d’irrigation qui concentrent les sels en surface après l’évaporation de l’eau. Or une trop forte concentration en sel impacte le développement naturel des plantes. Avec l’accentuation des épisodes de sécheresses à l’échelle mondiale et régionale, le phénomène de salinisation tendra à se renforcer.
A l’échelle méditerranéenne les épisodes de sécheresses sont voués à s’étendre dans le temps et en fréquence. Cette dynamique est extrêmement problématique pour les sols qui lors des épisodes de sécheresse se rétractent et créent en surface des croûtes de battance (croûtes dures, compactes, imperméables qui se forment par l’action de la pluie sur les sols travaillés, limoneux et pauvres en matière organique). Au delà de ce risque, la faune du sol s’enfonce dans les profondeurs du sols sur les saisons les plus chaudes et arides. Si ces périodes s’allongent, elle ne pourra plus remplir son rôle de transformation de la matière organique.
A l’inverse de l’eau et de l’air, le sol n’est pas protégé par le code de l’environnement (Titre 2: les milieux physiques). Cependant, il est protégé par « effet ricochet », c’est à dire qu’il peut être conservé en protégeant l’eau, les écosystèmes, les espèces ou les usages (agricoles notamment) avec lequel il est en lien. La protection du sol commence à être prise en compte dans la protection de l’environnement notamment dans les études d’impacts environnementales et dans la réglementation des installations classées pouvant porter atteinte aux sols. Sur d’autres volets, des niveaux de protections du sol sont envisagés mais les réglementations sont peu contraignantes ou imprécises.
La question du sol n’est pas formellement prise en compte dans les documents d’urbanisme. Elle est impactée par les notions d’emprise au sol, de consommation d’espaces ou d’artificialisation mais ne fait pas l’objet d’un cadre réglementaire spécifique. A l’instar de la protection des sols par effet ricochet dans les codes de l’environnement, sa protection passe par la mise en place de justifications obligatoires à toute nouvelle artificialisation sur des anciens espaces naturels, agricoles ou forestiers. Cependant, la prise en compte du sol dans les documents d’urbanisme avance avec la mise en place de la trame brune en parallèle des trames vertes et bleues.
« La propriété du sol entraine la propriété du dessus et du dessous » (Article 552 du Code Civil).
« Le propriétaire peut faire au-dessus toutes les plantations et constructions qu’il juge à propos, sauf les exceptions établies au titre » Des servitudes ou services fonciers « .
« Il peut faire au-dessous toutes les constructions et fouilles qu’il jugera à propos, et tirer de ces fouilles tous les produits qu’elles peuvent fournir, sauf les modifications résultant des lois et règlements relatifs aux mines, et des lois et règlements de police. » (Article 552 du Code Civil).
Malheureusement, à l’inverse de l’air et de l’eau, le sol n’est pas considéré comme un bien commun. En ce sens, il est donc difficile de le protéger sur les parcelles privées.
L’Union Européenne produit depuis longtemps des législations en faveur de l’environnement et des milieux avec notamment les directives Eau (2000) et Air (2008) ensuite transposées dans le droit des Etats membres. Pour la protection des sols le consensus est plus compliqué. A l’été 2023, la Commission a présenté une proposition de directive pour la surveillance et la résilience des sols. Loin de leur offrir un cadre de protection plus fort, elle ambitionne cependant d’identifier les sols de mauvaise qualité en mettant en place des classifications communes pour définir leur résilience. Première étape d’une prise en compte collective ? Cela parait nécessaire alors que 70% des sols européens ne sont pas sains.